Les espaces de coworking qui se développent en France sont emblématiques de l’engouement récent pour les tiers-lieux de travail. S’adressant plutôt, aujourd’hui, à une population de freelance ou d’entrepreneurs, sont-ils aussi adaptés pour répondre aux besoins de mobilité des salariés ?

Quelle place pour le corporate clone dans ces espaces ouverts?
Quelle place pour le corporate clone dans ces espaces ouverts?

Source : 53 coworking centers sur under30ceo.com

I HAVE A DREAM…

On se prend à rêver d’un nomadisme dans lequel l’employé ira butiner d’un tiers-lieu à l’autre, en profitant des avantages que chaque type de lieu propose… Le télécentre à proximité du domicile offrira des services complémentaires (crèche, services à la personne…), le café wifi permettra de se détendre pendant une heure ou deux en sortie de rendez-vous, un lounge d’hôtel servira à rendre moins formel un entretien de recrutement, le centre d’affaire fournira des salles de réunion de prestige pour organiser une rencontre à haut niveau…

…THAT ONE DAY WORKERS OF THE WORLD WOULD UNITE

Selon la définition donnée par le wiki consacré au coworking :

Coworking spaces are built around the idea of community-building and sustainability. Coworking spaces agree to uphold the values set forth by those who developed the concept in the first place: collaboration, community, sustainability, openness, and accessibility.

On imagine bien un auto-entrepreneur lassé de la solitude rejoindre une communauté pour bénéficier des effets de levier du coworking (conseils, réseau, événements et formations…), mais ce modèle est-il transposable au salarié d’une grande entreprise?  Si l’expérience du coworking parvient à dépasser le syndrome de l’open space (travailler côté à côté avec un casque sur les oreilles) en réintroduisant l’échange et la collaboration, la barrière de la confidentialité ne risque-t-elle pas de se révéler frustrante? Peut-on coworker sans collaborer ? Un salarié ne risque-t-il pas d’être ostracisé dans un coworking de travailleurs en free-lance ?

EVERYBODY NEEDS COWORKING

Un très bon article de Coworking Lille prend le parti inverse et nous démontre l’intérêt qu’il y a pour les entreprises à faire travailler ses salariés dans des espaces de coworking. Le coworking permettrait de :

  • Cultiver l’initiative personnelle
  • Encourager la créativité
  • Travailler différemment pour produire mieux
  • Faire du travail un verbe et non un lieu
  • Dématérialiser la culture d’entreprise, qui ne doit pas seulement être associée à un lieu
  • Renforcer l’engagement des salariés
  • Collaborer avec des indépendants pour renouveler les compétences et optimiser les coûts.

Mais il existe aussi des avantages indirects au coworking: s’extraire de l’entreprise quelques journées par semaine, tout en restant dans un cadre formel propice au travail, permet de se déconnecter du rush du bureau pour avancer sur des tâches nécessitant une forte concentration. Le salarié-coworker va en somme profiter des mêmes avantages que le télétravailleur à domicile sans les inconvénients : flexibilité des horaires, concentration, réduction des temps de transports, équilibre vie privée et professionnelle…

Aujourd’hui, les salariés ne constituent pas la population cible des espaces de coworking, mais ils représentent peut-être une opportunité, à condition de leur offrir des services adaptés.

Pour aller vers cette vers cette population, les espaces de coworking pourraient mettre en place :

  • Des événements ciblés entreprises : rencontre entre des freelance, indépendants et entreprises d’un même domaine, conférence pour tester un produit auprès d’un public externe mais averti, ou encore séance de recrutement informelle…
  • Un annuaire de toutes les personnes et des entreprises qui fréquentent l’endroit, afin de leur permettre de se contacter
  • Des centres à proximité des hubs (gares, aéroports…) pour les nomades salariés en déplacement
  • Des bureaux fermés qu’il serait possible de louer à plusieurs salariés d’une même entreprise. On se rapproche alors des modèles hybrides des smart work centers à Amsterdam ou d’autres coworking spaces comme l’Espacio Creativo Independiente à Cordoba, qui proposent des bureaux à louer, mais aussi des espaces ouverts, collaboratifs…

Il serait également indispensable, pour que ce modèle se développe, de communiquer auprès des entreprises pour les attirer. Cela implique une vraie volonté de la part des espaces de coworking.

Does coworking need everybody?

Les deux modèles doivent se nourrir l’un l’autre, nous dit Emmanuel Duvette, du coworking Lille :

Pour moi, l’enjeu le plus important pour les entreprises est de réussir à s’approprier ces nouvelles organisations de travail qui sont expérimentés actuellement dans les coworking pour gagner en flexibilité et en « agilité » tout en n’ayant pas l’impression de ne pas vendre son âme! Mais c’est aussi à nous les espaces de coworking de réussir à être ouvert et évangéliser ces nouvelles méthodes de travail auprès des entreprises.

En revanche, les coworking spaces ne risquent-ils pas un jour d’être envahis par des hordes de « corporate clones » qui dénatureraient l’esprit du coworking ? Faudra-t-il un jour instaurer des quotas parmi les coworkers ?