Le confinement lié à la crise du coronavirus a permis un bond spectaculaire en matière de télétravail. Sa généralisation nous force à repenser complètement notre rapport au bureau et à nos lieux de travail. Si on est efficaces à distance, pourquoi venir au bureau ? Faut-il passer à un mode 100% télétravail, ou au contraire ressouder les troupes par la sacro-sainte présence physique ? Quels sont les scénarios possibles qui s’offrent aux entreprise ? Et quels sont les risques ? Car après la crise, ce sera tout un modèle qu’il faudra réinventer, pour chaque entreprise, de la plus petite à la plus grande.
Neo-nomade vous propose une lecture des différents modèles d’organisation que pourraient choisir les entreprises dans les prochains mois. Avec deux convictions fortes : la vérité va se situer autour de modèles hybrides, entre 100% télétravail et « retour à la normale » et dans ces modèles hybrides, le bureau flexible, « as a service » aura un rôle prépondérant à jouer.
Statistiques du télétravail pendant le confinement – le « new normal »
Faut-il le rappeler ? Durant le confinement, le télétravail a augmenté de façon spectaculaire. On a constaté une baisse de 55 à 70% des trajets domicile-travail en France. Selon les méthodes statistiques retenues, on évoque un taux de télétravail de 30% à 60%. Ce qui était encore en 2019 un “nouveau mode de travail” s’est aujourd’hui généralisé.
Bien qu’il ait été soudainement imposé, et à temps plein, ce télétravail a été bien vécu par la majorité des Français (entre 65% et 80% selon les études). Et on peut raisonnablement imaginer que si les enfants avaient pu aller à l’école, ce taux de satisfaction aurait été nettement supérieur. Il n’est donc pas surprenant que 60% à 75% des actifs souhaitent désormais poursuivre le télétravail.
Même constat du côté du management. Exit les excuses traditionnelles (inadapté à l’activité, manque de confiance…), 72% des managers déclarent avoir plus confiance en leurs collaborateurs, et 70% ont constaté un impact positif sur la productivité. Au global, 75% des dirigeants envisagent désormais de faire perdurer cette pratique après l’épisode du coronavirus.
“Même dans notre entreprise où le télétravail était bien installé, de nombreux métiers ou équipes nous disaient “pour nous le télétravail n’est pas adapté”. Avec la crise du COVID-19, ces barrières sont complètement tombées et 97% des collaborateurs travaillent maintenant à distance alors que nous plafonnions auparavant à 40%”.
Directeur Immobilier Grand Groupe SSII
On voit bien que certains freins – psychologiques, managériaux, collectifs – ont été balayés par cette expérience concluante du télétravail forcé. Celle-ci a ouvert des perspectives concrètes pour des milliers (millions?) d’actifs qui se sont soudainement rendu compte que le travail à distance – sous différentes formules – était non seulement possible mais souhaitable.

L’heure est-elle donc venue de rendre les clefs de vos bureaux, comme l’a annoncé PSA ? Pas si simple. Si le télétravail est plebiscité par les salariés et leurs employeurs, ceux-ci l’envisagent plutôt à temps-partiel, 2 à 3 jours par semaine en moyenne. La raison ? Le sentiment d’isolement ou la perte d’émulation collective que peut générer le télétravail à temps plein.
Alors, comment trouver le bon équilibre entre le retour au bureau et la fin du bureau ?
100% a distance, 100% au bureau, bureau flexible – quel modèle choisir ?

100% BUREAU : Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est un scénario qui se dessine déjà. Une semaine après le déconfinement, un tiers des cadres étaient déjà de retour au bureau, cela ayant le plus souvent été imposé par l’employeur. Est-ce là un réflexe de Pavlov de la part d’entreprises n’ayant pas les capacités, techniques, organisationnelles ou stratégiques pour continuer à fonctionner à distance ? Pas nécessairement. On peut aussi imaginer que des entreprises en difficulté souhaitent “avoir tout le monde sur le pont” pour redresser le navire, comme le fit Yahoo en 2013. Une stratégie qui va cependant être difficile à tenir pour des raisons économiques (coûts du loyer, réaménagement des espaces de travail) mais surtout humaines, avec 80% des collaborateurs frustrés de ne pas pouvoir continuer à télétravailler.

100% À DISTANCE : À l’opposé du précédent scénario, se dessine l’hypothèse du “zéro bureau”. C’est le scénario plébiscité à court terme, nombreuses étant les entreprises à avoir, comme Twitter ou Google, repoussé à 2021 l’éventualité d’un retour au bureau. Dans un mode d’organisation pérenne, le zéro bureau ne fait toutefois pas légion, et émerge plutôt dans le monde des start-ups, comme WordPress, Gitlab ou LiveMentor. S’agit-il d’une question de métier ou d’âge des dirigeants ? Face à la récurrence des situations exceptionnelles (épidémies, grèves…) et à la récession économique, ce scénario pourrait connaître un succès croissant. Il nécessite cependant une révolution complète du mode de fonctionnement des entreprises, difficile à imaginer notamment pour les grands groupes.

TÉLÉTRAVAIL MODÉRÉ : la solution la plus simple à adopter pour les entreprises est celle d’une généralisation modérée du télétravail (ex : 2 jours par semaine) tout en gardant un centre de gravité autour des locaux de l’entreprise. Pour les entreprises qui ont découvert le télétravail en 2020, un tel scénario permettra de se mettre à la page des nouveaux usages, sans bouleverser ses habitudes, notamment en terme de management et de digital. Pour les entreprises plus ambitieuses, ce scénario présente toutefois l’inconvénient du « milieu de gué », ne permettant pas d’effectuer une mutation franche de son immobilier ou de sa culture. Les impacts resteront donc limités mais tout comme les bénéfices potentiels : motivation, engagement, productivité, réduction des coûts immobiliers…

HYBRIDE CENTRALISÉ : dans ce scénario, le télétravail devient une norme (ex : 3 à 4 jours par semaine), sans pour autant signifier la disparition complète du bureau, qui devient un « hub collaboratif ». C’est le parti-pris de PSA, qui souhaite modifier complètement l’approche du bureau, pour que ses collaborateurs ne s’y déplacent que pour des moments collaboratifs ou d’équipe. Tout le travail individuel se fera à distance. Ce scénario – plus radical – nécessite une bascule culturelle qui va dépendre de la situation de départ de l’entreprise. On peut cependant parier qu’au-delà des effets d’annonce, les chantiers de transformation seront immenses pour stabiliser l’organisation de manière pérenne. C’est pourtant bien sur ces modes d’organisation que l’on peut attendre le plus de bénéfices collectifs et individuels.
En tant que DRH, si j’ai une journée de travail en présence physique avec mes équipes, je leur demanderai de ne pas ouvrir leur ordinateur portable ni leur téléphone. Il s’agit de se concentrer sur cette séance de créativité, d’échanges, de décisions que nous aurons à prendre ensemble
Xavier Chéreau, DRH PSA via Le Point

HYBRIDE DÉCENTRALISÉ : dans le modèle décentralisé, l’entreprise mets à disposition des collaborateurs des points de chute gérés en propre ou en externe (coworking). L’idée est de compléter (ou de supprimer) le “hub” central par de plus petites surfaces, utilisables à la demande. Ceci permet notamment aux équipes de se retrouver ponctuellement, et aux collaborateurs qui “saturent” à domicile de pouvoir travailler dans des lieux proches de chez eux. Ce modèle est déjà testé avant COVID-19 par des entreprises comme Bouygues Construction ou Generali pour leurs populations nomades. Mais à terme on voit bien que tous les collaborateurs en capacité de travailler à distance pourraient être concernés. Du point de vue immobilier, il s’agit de rapprocher les m2 des lieux d’habitation des collaborateurs, en particulier en zone péri-urbaine ou rurale et de le rendre flexible et à l’usage .
On peut résumer ces différents scénarii de cette manière, et les évaluer selon un rapport risque / bénéfices pour l’entreprise. La répartition entre les différentes géographies du travail étant évidement à ajuster en fonction des entreprises.

Les deux derniers scénarios sont ambitieux et prometteurs. Ils permettent notamment de remettre l’individu au centre de la réflexion : on donne aux collaborateurs le choix de travailler comme – et où – ils le souhaitent. Ils nécessitent néanmoins une capacité forte de décision stratégique de l’entreprise et un accompagnement au changement pour en maîtriser les impacts.
Quels critères pour choisir une solution de bureaux flexibles ?
CRITÈRE FINANCIER : Face à la récession, la santé financière de l’entreprise constitue évidemment un facteur de décision essentiel, l’immobilier représentant généralement le second poste de dépenses. La réduction de l’empreinte immobilière ne se fait toutefois pas en un claquement de doigts : les baux immobiliers sont peu flexibles, ils engagent sur plusieurs années et leur résiliation anticipée est synonyme de pénalités. L’opération n’en reste pas moins intéressante, tant les économies à la clef peuvent être importantes, et tant la flexibilisation du parc immobilier (bail flexible, télétravail, coworking…) fait sens en cette époque d’imprévus : seconde vague de la pandémie, mouvements de grèves, évolution des effectifs… Les entreprises peuvent aussi envisager de sous-louer une partie de leurs locaux en attendant d’effectuer leur révolution immobilière.
CRITÈRE HUMAIN : Second facteur, et pas des moindres, les attentes de salariés. Dernièrement, les publications sur “ce qui est bon” pour eux sont en vogue : certains prédisent la fin du bureau, d’autres font du lobbying pour l’inverse, chacun philosophe sur le bien-être et les risques psycho-sociaux… Mais que veulent réellement les salariés ? Il nous semble évident qu’il faut leur poser la question. Le confinement a démontré, si cela était encore nécessaire, que le travail de bureau peut s’effectuer sans bureau, sans réduire la performance. Il a aussi montré que cela convient parfaitement à certains, tandis que d’autres aiment la sociabilité du bureau. Pourquoi faudrait-il imposer un modèle plutôt qu’un autre ? La liberté de choisir son lieu de travail nous semble être le préambule du bureau de demain, autour duquel les équipes pourront co-construire leurs nouvelles habitudes. Charge à l’immobilier de se (re)penser comme un service répondant à leurs besoins.
“Dans notre groupe, un grand sondage est en cours pour comprendre ce que les collaborateurs attendent des conditions et possibilités d’organisation après crise. Nous en faisons une grande synthèse et allons proposer un cadre complètement nouveau.”
Responsable Immobilier grand groupe conseil.

CRITÈRE ENVIRONNEMENTAL : Le confinement a offert un spectaculaire répit à notre planète et sa biodiversité. L’empreinte environnementale de millions de mètres carrés de bureaux n’est en effet pas anodine : ce sont autant de matières premières consommées, de sols artificialisés, de voitures pour y aller, d’infrastructures routières… L’étau environnemental se resserre inexorablement depuis plusieurs décennies, et cela s’intensifiera à l’avenir. Si certaines entreprises ont des leviers diversifiés de réduction de leur empreinte, pour d’autres, la réduction de l’empreinte immobilière et des déplacements représente peut-être l’outil le plus puissant pour atteindre les objectifs environnementaux et redonner un peu d’oxygène aux non-humains.
Quelles conséquences à anticiper pour l’entreprise ?
PRÉVENIR LE DÉCROCHAGE CULTUREL : Depuis plus d’un siècle, l’unité du lieu de travail était la norme, et avec elle, une certaine unité du temps de travail. Que se passera-t-il si la liberté du lieu de travail devient la norme ? Il est fort à parier que cela génère l’apparition de différentes cultures au sein d’une entreprise, certains préférant le full-remote et le social-digital, d’autres étant attachés à la sociabilité et la sérendipité du bureau. À vrai dire, cette hétérogénéité existait déjà avant la pandémie, puisque le déploiement du télétravail restait souvent conditionné à la “culture” du manager. Comment alors éviter le risque d’un décrochage culturel au sein de son entreprise, éviter que cela des dysfonctionnements opérationnels ou des tensions psycho-sociales ? Le réflexe serait d’imposer à tous les salariés un minimum de temps passé au bureau ; on pourrait aussi imposer un minimum de temps passé en télétravail, afin que nul ne décroche de la virtualisation du travail.
PRÉSERVER LE SENTIMENT D’APPARTENANCE : Comment entretenir le lien d’appartenance à distance ? La question est posée de façon récurrente depuis 20 ans, sans qu’il n’ait été démontré que ce sentiment se dégrade en télétravail (même confiné). Multiples sont en effet les outils permettant d’entretenir le lien : outils collaboratifs, rituels conviviaux réguliers, à distance ou en présentiel… La question doit donc être formulée dans d’autres termes. D’une part, se demander ce que la distance va changer dans la culture de l’entreprise, question que nous explorons ci-après. D’autre part, se demander comment le management peut entretenir cette culture. La distance ajoute en effet une nouvelle mission au manager : les échanges informels – qui constituent le terreau de la culture et du lien d’appartenance – s’effectuent sans être réfléchis quand on est au bureau. À distance, il faut les penser, les entretenir de façon intentionnelle. En ce sens, l’immobilier de demain est indissociable d’une montée en compétences de la chaine managériale sur les façons d’animer et de faire vivre un collectif distribué.
PENSER UNE NOUVELLE CULTURE : Derrière la transformation de la géographie du travail se joue enfin une transformation culturelle. La culture au bureau, c’est un ensemble de comportements implicites (mimétisme dans le vocabulaire, dans les horaires…), de moments plus ou moins agréables (succès d’équipe, tord-boyaux de la machine à café…), et de stratégies fondées sur le visible (montrer sa difficulté sur un dossier, s’agiter quand le manager passe…). À distance, moins d’espace est disponible pour ces comportements, au profit de relations plus formalisées. Il n’est ainsi plus possible de démontrer sa performance par la simple présence au bureau, terminée la comédie, la question se pose désormais en terme d’objectifs atteints ou non. C’est donc un certain flou dans les relations professionnelles, flou qui faisait la joie de certains ou le malheur des autres, qui disparaît avec la distance. D’aucuns diront même que c’est un pas de plus vers un monde de surveillance digitale, mais d’autres soulignent aussi que cela permet de remettre le travail à sa juste place : un moyen au service de la vie. Sujet à méditer lors d’un prochain comité de direction !
Des solutions concrètes pour gérer l’immobilier « à l’usage »
Quel que soit l’endroit où les entreprises placeront le curseur dans les prochains mois en matière de bureau ou de télétravail, l’immobilier flexible et à l’usage » jouera un rôle important. Neo-nomade acteur de référence du bureau à la demande a développé un ensemble de solutions pour faciliter cette transition. N’hésitez pas à nous contacter pour en savoir plus sur :
- Notre pass coworking pour les télétravailleurs et les nomades à la recherche d’une alternative au télétravail à domicile.
- Notre réseau de bureaux à la demande pour compléter de manière temporaire ou remplacer vos sièges
- Notre outil de pilotage et de suivi qui vous permet de gérer l’ensemble de votre immobilier flexible

Pour aller plus loin
- Interview de Xavier Chéreau, DRH PSA au Point https://www.lepoint.fr/economie/ressources-humaines-comment-le-covid-19-revolutionne-psa-11-05-2020-2374932_28.php
- 10 conseils pour télétravailler dans la durée https://www.neo-nomade.com/blog/confinement-quelques-conseils-pour-teletravailler-dans-la-duree/
- A quoi ressemblera le travail après confinement ? Usbek & Rica https://usbeketrica.com/article/a-quoi-ressemblera-travail-apres-confinement
- Après le confinement, tous nomades ? Welcome to the Jungle https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/enquete-confinement-crise-mobilite-professionnelle
Photos par Jon Tyson Corinne Kutz et Parker Johnson via Unsplash