Nous sommes entrés ce lundi dans la 4ème semaine de confinement, synonyme d’arrêt d’activité ou de travail à distance pour une part importante de la population active. Situation inédite dans l’histoire de nos sociétés modernes : des millions de personnes et d’entreprises voient leur modes de travail et d’organisation radicalement bouleversés. Si certains étaient mieux préparés que d’autres, personne n’a jamais vécu à cette échelle un travail à distance prolongé et continu. Ainsi, 70% des personnes découvrent cette situation selon une étude Deskeo récente. Nous vous proposions en première semaine  quelques conseils pour gérer au mieux l’urgence, et limiter l’impact sur le collectif et l’efficacité. Après ce choc initial et les réorganisations chaotiques d’activité qui ont suivi nous devons désormais faire face à un confinement longue durée. 

Tenir informés sur l’évolution des activités, donner autant que faire se peut de la visibilité aux collaborateurs sur la suite, être attentif au ressenti et à l’état psychologique, aider les managers dans la réorganisation des activités et l’animation du collectif : ces enjeux nous semblent désormais prioritaires. Voici donc quelques conseils et réflexions que nous partageons avec vous, principalement issus de notre expérience personnelle, de lectures et d’échanges avec d’autres entreprises. 

Communiquez, communiquez, communiquez

Les entreprises ont dû prendre de nombreuses décisions en urgence ces dernières semaines. Des décisions qui impactent fortement les collaborateurs et dépassent très largement ce qui est généralement admis. Arrêt brutal ou ralentissement fort des activités avec mise en place de dispositifs de chômage technique ou partiel, télétravail imposé, congés obligatoires pour certains. Ces décisions, certes massivement comprises par les collaborateurs au regard de la situation, les questionnent néanmoins à titre individuel. Des questionnements très pratiques (quid de la perte de revenus, mon entreprise aura t-elle les reins assez solides pour encaisser cette épidémie? comment télétravail avec enfants à domicile?…) ou plus profonds (mon métier fait-il sens ? mes produits / services intéresseront-ils toujours après la reprise ?). Nous reviendrons en fin d’article sur ces questions plus « existentielles ».

Il est donc essentiel de continuer à communiquer massivement et en toute transparence sur l’évolution de la situation pour l’entreprise tant financière, que organisationnelle (infos sur votre réseau social, point d’équipe, message vidéo ou audio des dirigeants, session de Questions/réponses, etc…). Il nous semble par ailleurs pertinent de bien dialoguer avec votre CSE. On en parle peu depuis le début de la crise mais ils représentent une vraie caisse de résonance pour les salariés. Ils peuvent être parfois plus facilement questionnés que les dirigeants ou les équipes RH. Leur donner un maximum d’information et les impliquer dans cette situation nous semble une évidence et une bonne occasion de (re)nouer le dialogue. 

Pensez  également à faire évoluer les rituels mis en place en urgence comme les « café virtuels » du matin par exemple. Certains introvertis peuvent ne pas apprécier l’obligation de participer, d’avoir la vidéo ou de devoir participer à un challenge sportif. Certains extravertis peuvent à l’inverse trouver que ces temps sont trop mous pas assez funs. Faites bouger les formats, soyez inventifs mais surtout le laissez pas filer ces brefs moments partagés. 

Accompagnez les managers dans la durée

Souvent critiqués, les managers jouent un rôle crucial dans cette phase de confinement. Relais de communication, garants d’une réorganisation efficace des activités, on leur demande également de s’impliquer pour maintenir la cohésion d’équipe et bien sûr être attentif à l’état psychologique de l’ensemble de ses collaborateurs. Tout cela en subissant eux même les impacts du confinement. Il est donc légitime de se demander s’ils sont suffisamment préparés et aidés par l’entreprise pour affronter cette vague. 

Avant d’évoquer des solutions, voici quelques questions que nous nous sommes posées ces derniers jours :

  • Quelles sont les missions (critiques, nouvelles) propres au(x) manager(s) dans ce contexte de réorganisation de l’activité ? A quoi est-il le plus important de veiller ? 
  • Quels mécanismes pouvez-vous mettre en place pour garantir le bon fonctionnement de l’activité ?
  • Pour maintenir le lien entre tous ? 
  • Le manager est-il la seule personne pour assurer ce fonctionnement de crise ? Ne peut-on pas le décharger de certaines responsabilités ?
  • Quelles sont les autres personnes au sein de l’équipe pouvant assurer une partie de ces actions d’animation d’équipe (animer les réunions de suivi de l’activité, animer des temps informels) ? 

La flexibilité est le maître-mot ici : il n’y a pas de recette miracle unique qui va fonctionner avec chaque personne. Vous devez trouver un équilibre – instable, changeant de semaine en semaine – avec chaque personne que vous managez, ou à titre individuel. Il est crucial ici de garder une approche empathique et de confiance. Et d’avoir une vision claire sur la façon dont doit fonctionner l’entreprise et le salarié : business as usual (à distance), mode “dégradé » conçu par le management, mode “improvisé” requérant l’initiative du salarié ?

> Managers, quelques pistes : 

  • sur le point de l’animation de collectif. Identifiez des personnes motivées, volontaires pour proposer / rendre plus vivant les points collectifs ou créer des temps informels. 
  • Profitez-en pour tester des modes de fonctionnement plus collégiaux et moins hiérarchiques ( cercles, scrum ou autre ….) 
  • Limitez le micro-management sur les profils les plus autonomes (si si ca existe souvent) et remettre plus d’énergie sur les profils qui en ont le plus besoin (nouveaux arrivants par exemple) 
  • Définissez des horaires de joignabilité avec vos équipes et veillez à leur déconnexion hors des horaires de travail.
  • Définissez un interlocuteur ou un process pour traiter les RPS liés au confinement (angoisse sur l’avenir, panique lié au confinement, burn-out lié à la garde d’enfants…)

De manière générale, il est important de veiller à ce que des dérives ne se produisent pas en réaction à cette éloignement forcé des équipes : « flicage », méfiance, surconnexion des collaborateurs et sollicitations à toutes heures… son autant d’effets négatifs qui vont s’accentuer avec le prolongement du confinement. Une sursollicitation des équipes par des managers « hors de contrôle » aura des effets sur l’engagement, la productivité et les risques psycho-sociaux. Veillez à ce qu’un accompagnement soit en place pour repérer les éventuelles pratiques néfastes. Et n’oubliez-pas que – même en télétravail – les collaborateurs doivent légalement avoir une période d’inactivité de plus de 11 heures consécutives. Restez donc bien dans le cadre légal !

“La meilleure façon de savoir si vous pouvez faire confiance à quelqu’un, c’est de lui faire confiance”. 

Hernest Hemingway

Ajustez votre niveau d’exigence

Si on est globalement plus efficace en télétravail par rapport à une journée passée au bureau, il est difficile aujourd’hui de prévoir les impacts du télétravail prolongé. Pour certaines entreprises, le télétravail est improvisé sans pratique préalable. Rappelez-vous au passage que dans la grande majorité des cas, le télétravail est réalisé 1 jour par semaine, voir 2. Et si il est prolongé dans la phase après-crise, il ne le sera que dans des conditions choisies et pourra être fait en espace de coworking ou à minima ailleurs qu’au domicile. 

Les premiers chiffres montrent que 8 télétravailleurs sur 10 en cette période de confinement disent en faire autant ou plus. Les semaines passant, on peut anticiper un risque d’épuisement et de perte de sens des collaborateurs, lié à l’absence de contact avec le collectif de travail et à la situation globale d’incertitude. A cela s’ajoute la perturbation liée à la vie personnelle et familiale, sans aucune barrière… Autant être clairs sur ce sujet dès le départ, l’anticiper et le mesurer (voir plus loin).

> Managers, ne placez pas la barre trop haut dans vos plannings de rendus et livrables. Rassurez les collaborateurs sur le fait que vous travaillez tous “au meilleur effort”. Vous définissez avec les équipes des objectifs qui doivent être motivants et atteignables et qui vont aussi maintenir les personnes dans une occupation positive mais qui ne doit pas devenir stressante. Soyez indulgents et compréhensifs, à long terme les collaborateurs vous le rendront. Les conseils remontés dans cet article de Harvard Business Review nous semblent une bonne base pour envisager le travail à distance prolongé sous l’angle du management. 

> A titre individuel, soyez conscients des effets du travail à distance prolongé sur la concentration et la fatigue mentale. Nous avons trouvé par exemple les conseils d’Aurélie Dudezert très utiles, notamment :

  • Ne surchargez pas votre agendas de calls Skype / Zoom : 3 ou 4 max par jour et limitez leur durée à 30/45 minutes. 
  • Evitez les réunions à plus de 5 personnes (sauf moments conviviaux) ou alors 20 minutes descendant. 
  • Structurez bien vos journées de manière séquencée, avec travail de fond / travail connecté (mail, réseau social d’entreprise)
  • N’oubliez-pas les pauses et les activités physiques et hors-écran

Mesurez l’impact et ajustez au fur et à mesure

Avec le prolongement du confinement, il va être important de comprendre l’impact dans la durée sur le moral des troupes, la cohésion, le niveau de productivité… Constatez-vous une dégradation progressive semaine après semaine ? Pourquoi ? Quels sont les indicateurs que l’on utilise ? De manière générale, on distingue plusieurs type d’impacts :

  • Organisationnels : on l’a déjà abordé – c’est la capacité collective de définir les bonnes règles d’organisation au niveaux collectifs et individuels, pour être suffisamment structurés pour fonctionner en full-remote. L’objectif est de bien définir ces règles au départ, et ensuite de les ajuster au fur et à mesure que cette organisation « vit ».
  • Psycho-sociaux : on rentre plus ici dans les effets psychologiques liés au confinement prolongé et la perte de lien social. Impacts que l’on découvre tous à notre manière ces derniers temps. Assurez-vous ici que vous savez les mesurer et que les dispositifs d’aide et d’accompagnement sont en place (soutient / aide psychologique, formation / sensibilisation des managers, etc.)
  • Existentiels / sens : c’est ici le risque après plusieurs semaines loin du collectif et dans une phase d’incertitude, de ne plus savoir pourquoi on travaille, vers quel but on avance. Nous revenons sur ce point dans la dernière partie de l’article.
  • Productivité : l’efficacité globale est un peu la résultante des trois points précédents. Si vous réussissez à bien les traiter et à limiter l’impact, la productivité globale pourrait être maintenue, voir améliorée (cf chiffres évoqués précédemment).

Chez Neo-nomade, nous avons mis en place un un suivi régulier des impacts via un questionnaire simple, rempli de manière hebdomadaire par les personnes de l’équipe de manière anonyme. Les résultats sont revus toutes les semaines par une petite équipe RH / Direction pour comprendre les besoins. Cela nous a permis de relever des problèmes matériels ainsi que des inquiétudes liées à la situation. Nous avons par exemple décidé suites aux remontées terrain : de raccourcir les points café du matin, d’instaurer un point de communication hebdo plus clair sur la crise et la situation financière et de proposer des solutions d’accompagnement psychologique pour les premiers besoins qui se faisaient ressentir. C’est aussi l’occasion avec ce questionnaire, de suivre les idées, propositions, inspirations pour l’avenir : les phases de chaos étant aussi propices à l’inspiration et à l’innovation !

> Managers, dans tous les cas, gardez des moments de régulation pour ajuster vos modes de fonctionnement en équipe distribuée, ajuster les missions des uns et des autres, revoir les priorités du services, etc. Trois questions à se poser lors de ces temps de régulation (avec le manager ou entre pairs) : 

  • Quels sont les sujets sur lesquels tu es mobilisé en ce moment ? 
  • Comment ça se passe ? avec qui es-tu en relation pour le faire ? 
  • Comment puis-je t’aider ? 


Commencez à penser l’après

Doit-on penser à l’après ou est-ce encore trop tôt au regard de l’incertitude ambiante ? La réponse est entre les deux ! Mais faites attention vous pouvez avoir plusieurs regards de la part de vos collaborateurs : 

  • Certains ont besoin de se projeter sur l’après crise. C’est l’occasion de les laisser s’exprimer sur ce qu’ils aimeraient faire différemment à l’avenir ? les façons d’anticiper les périodes de crise, de faire face aux aléas, etc. et donc de recueillir des pistes d’innovation pour l’avenir. C’est aussi une période propice à l’improvisation et donc à la mise en place de pratiques totalement inédites : garder des traces de ce que ces changements produisent (ce qu’ils permettent de faire, ce que ça vous apprend sur vous, sur votre équipe). 
  • Pour d’autres, il est encore trop tôt pour se projeter. Nous sommes encore dans une situation très incertaine et le niveau de stress que cela engendre ne permet pas d’envisager l’avenir de manière sereine. Il faut alors écouter ce qui alimente le stress pour ces personnes, essayer de trouver avec eux des moyens de réduire l’impact, en insistant sur le sens de ces actions (assurer la continuité de service pour les usagers, contribuer à un effort collectif, maintenir la coopération entre les personnes de l’équipe…). 

> Managers, engagez la discussion et essayez d’adapter votre communication en fonction des profils dans votre équipe. Et vous pourrez progressivement projeter toute l’équipe dans l’après, une fois que l’horizon se dégage. 

Cette crise va nécessairement amener progressivement des questions profondes et « existentielles » : d’abord sur les pratiques et l’organisation du travail, puis sur les activités et le positionnement de l’entreprise et de ses produits sur un marché qui va être bouleversé. Ce sera aussi la question de la pérennité de l’entreprise demain qu’il faudra aborder calmement. Et plus globalement du sens au travail, de la manière dont l’entreprise participera demain à des enjeux d’intérêt général.

Si ces incertitudes peuvent être facteur de stress, les entreprises devront dans les prochaines semaines structurer cette réflexion de manière collective et ouverte. C’est pour nous l’enjeu principal de ces prochaines semaines. Chez Neo-nomade, nous avons décidé d’engager paisiblement cette réflexion dans les prochaines semaine. Nous partagerons dans de prochains articles les résultats et méthodologies utilisées pour penser l’après. 

Bon courage, et bonfinement à tous !

Références et liens utiles :

  • Quelques conseils pour organiser son travail en télétravail dans la durée disponible ici
  • Les pièges à éviter en télétravail prolongé par le CEO de sociable sur Maddyness disponible ici
  • 15 conseils pour manager une équipe en télétravail (HBR) disponible ici
  • Etude Deskeo sur le passage au télétravail en période de confinement disponible ici
  • Exemple de questionnaire de suivi des impacts utilisé par Neo-nomade disponible ici
  • Webinar comment passer au télétravail en urgence Zevillage LBMG Neo- nomade disponible ici

Si vous souhaitez en savoir plus sur nos offres d’accompagnement aux nouveaux modes de travail / télétravail : contact@neo-nomade.com

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